10 octobre 2011

"Contrôle des foules" avec armes à micro-ondes


En juillet dernier, j’ai écrit dans un article que Raytheon (No. 4 sur la liste du magazine Washington Technology des cent premières compagnies qui travaillent pour le ministère de la Défense et qui réalise un chiffre d’affaires de $5.170.829.645) préparait un programme d’armes non létales pour l’armée américaine.


Pour un coût de 25 millions de dollars, cinq armes non létales à ondes électromagnétiques montées sur des camions vont être prochainement expédiées dans les grandes villes en Irak pour refouler les employés de sites pétroliers ou les citoyens mécontents, au cas où les multinationales du pétrole finiraient par mettre leurs petites mains avides sur les importantes ressources pétrolifères du pays. Une version "light" de l’Active Denial System (ADS) destinée au maintien de l’ordre sur le territoire national intéresse les autorités.

D’après "Aviation Week",

Raytheon se lance actuellement dans un projet pour l’armée américaine d’armes non létales à énergie dirigée (d’une portée de plus de 250 mètres) montées sur des camions commerciaux FORD 550 qui serviraient au contrôle des foules.

Les armes électromagnétiques HPM (High-Power Microwave - micro-ondes à forte puissance) provoquent une sensation de brûlure quand elles atteignent les couches externes de la peau. Selon les responsables de la compagnie, les tests ont montré que le système fonctionnait même en tirant dans les fissures d’un mur de béton ou sur une vitre de voiture.

Aviation Week explique également que "ce programme devrait être agréé d’ici la fin de l’année. Un an après la signature du contrat, les combinés véhicule/arme électromagnétique sortiront à la cadence d’un par mois".

L’industrie automobile américaine étant en danger de mort à cause de la crise historique du crédit, quel meilleur moyen pour venir au secours du secteur que d’acheter une série de camions Ford 550 destinés au "contrôle des foules".

Très pratique à l’utilisation sur le territoire américain, aux cas où des "émeutiers" protesteraient contre des élections présidentielles volées ou des mesures gouvernementales destinées à supprimer le peu qui reste des programmes sociaux (dans le but de "relancer" l’économie, bien sûr), Silent Guardian est un produit qui arrive à point nommé !

Raytheon décrit ce dispositif comme étant "une arme moins létale à énergie dirigée révolutionnaire qui utilise les micro-ondes pour refouler des individus isolés ou des rassemblements sans provoquer de blessures".

Sans un soupçon d’ironie étant donné l’utilisation qu’il est prévu d’en faire, le Silent Guardian est présenté comme un "système de protection" qui peut "sauver des vies" et même "désamorcer l’agressivité". Conçu pour servir d’instrument de "maintien de l’ordre", de "sécurité aux checkpoints" et d’opérations de maintien de la paix", ses "avantages" sont portés aux nues depuis plusieurs années par le National Institute of Justice (NIJ) branche du Ministère de la Justice.

Voici ce que dit le NIJ :

« Le NIJ profite de méthodes moins létales conçues par le Département de la Défense américain destinées à la police ou aux gardiens de prison. Cette technologie, appelée Active Denial System (ADS), provoque chez les sujets une sensation de brûlure intolérable. Elle les stoppe net, les oblige à faire demi-tour et à quitter les lieux.

L’Active Denial System émet des ondes électromagnétiques à une fréquence de 95 GHz. Ce système stimule les terminaisons nerveuses et provoque une sensation de brûlure mais n’occasionne pas de lésions permanentes (les radiations pénètrent la peau d’à peine plus de 0,4 cm. Les symptômes disparaissent quand le dispositif est coupé ou que la cible s’écarte du faisceau de radiations).

Le NIJ a réalisé un petit prototype de l’Active Denial System à l’usage des forces de police et des gardiens de prison. »

Il semble que le Silent Guardian soit maintenant prêt à faire son apparition au grand jour.

Mais pas si vite. Un rapport du professeur Jürgen Altmann, physicien à la Fondation pour la recherche sur la Paix (Deutsche Stiftung Friedensforschung, DSF), affirme que l’ADS peut comporter des risques pour la santé, voire provoquer la mort. D’après Altmann, l’ADS produit des ondes électromagnétiques d’un millimètre. Le rayon émet sur 2m de diamètre, à une distance de plusieurs centaines de mètres.

D’une puissance de 100 kW, le rayon peut chauffer la peau des sujets-cibles jusqu’à une température provoquant une sensation de brûlure en l’espace de quelques secondes. Avec une arme prototype, montée sur un véhicule polyvalent, les effets de l’arme ont été testés sur des centaines de bénévoles. Pour provoquer la douleur, tout en évitant une brûlure, la puissance et la durée de l’émission pour un seul déclenchement sont contrôlées par un logiciel. On constate que si on choisit la puissance la plus élevée, des brûlures cutanées au second et au troisième degré, accompagnées de nécroses, apparaissent en moins de 2 secondes. Même si on règle sur une puissance et une durée inférieures, il reste à celui qui actionne le dispositif la possibilité de déclencher à nouveau le mécanisme immédiatement.

Entre 1995 et 2006, le laboratoire de Recherche de l’US Airforce (U.S. Air Force Research Laboratory, AFRL) et le Joint Non-Lethal Weapons Directorate (JNLWD), bureau d’études du Département de la Défense sur les armes non létales, ont dépensé environ 51 millions de dollars pour cette technologie. Qu’ont obtenu les contribuables américains en échange de cette somme ?

Le professeur Altamnn explique :

« En 2005, la presse militaire spécialisée a fait état de demandes de la part des forces armées et évoqué une utilisation rapide de ces armes en Irak. Cependant, en septembre 2006, le sous-secrétaire d’état de l’Air Force avait émis des réserves quant à l’utilisation de l’ADS dans les zones de combats. Et donc, pour éviter les critiques acerbes de la presse mondiale, il faudrait d’abord l’utiliser sur des manifestants aux Etats-Unis.

En janvier 2007, une présentation de l’ADS à la presse accompagnée de démonstrations en direct était organisée à Moody AFB, Georgie. La date de 2010 avait été évoquée pour l’exploitation du système ; les articles de presse indiquent que le rayon réchauffe la peau jusqu’à 50° sans effet durable, sans préciser que tout dépend si le rayon est coupé immédiatement quand on a atteint cette température. »

Oui, vous avez bien lu : "pour éviter les critiques", il était recommandé d’utiliser ce rayon "d’abord sur les manifestants américains".

Et Altmann poursuit :

« En conséquence, l’ADS peut techniquement provoquer des brûlures au second et au 3° degré. Parce que le diamètre du rayon peut mesurer plus de 2m, il dépasse la taille d’un être humain, et donc de telles brûlures pourraient atteindre de très nombreux endroits du corps, jusqu’à 50% de sa surface. Des brûlures qui couvrent plus de 20% de la surface corporelle peuvent être mortelles (à cause de substances toxiques provoquant la décomposition des tissus et une plus grande vulnérabilité aux infections) et nécessitent une hospitalisation en soins intensifs dans un service spécialisé. Sans dispositif empêchant à coup sûr d’envoyer une seconde décharge sur la même cible, l’ADS est susceptible de provoquer des lésions permanentes, si ce n’est la mort. »

Peu importe que cet engin puisse provoquer des séquelles permanentes, voire la mort, à cause d’une "nécrose dermique généralisée", nos maîtres capitalistes foncent tête baissée ! Un article sur un accident, qui avait été au départ passé sous silence par le JNLWD, révèle qu’à cause du manque de formation des utilisateurs et de la suppression des paramètres de sécurité, un des "cobayes" qui souffrait de terribles brûlures avait dû être hospitalisé dans un centre de traitement des grands brûlés.

Ce document interne de JNLWD, qu’a obtenu Sharon Weinberger, spécialiste de la Défense pour le magazine Wired, raconte :

« … l’équipe qui testait l’ADS n’a pas réalisé que le fait de revenir au mode "veille" réinitialisait le programme, ce qui permettait de déclencher le processus une nouvelle fois pendant quatre secondes. Un facteur occasionnel, ou secondaire, était lié au matériel utilisé : la suppression pour les tests de la mise au point télémétrique intégrée à l’appareil, et qui aurait empêché que la cible soit exposée au rayon trop longtemps.

Les deux journalistes de "Danger Room"qui ont rédigé un billet sur ce rapport non écrit ont expliqué que cet accident soulève des questions fondamentales sur cette arme. La mise au point télémétrique est depuis des dizaines d’années une "fonction essentielle d’une arme ou d’un détecteur de proximité avec ligne de mire" et empêche généralement les utilisateurs de se livrer à des actes dangereux, déclare un responsable du Pentagone expert en armement. "Toutefois, ces fonctions de sécurité indispensables qui étaient intégrées au combiné ADS+Humvee avaient été supprimées par le laboratoire de Recherche de l’Air Force avant les tests, ce qui avait exposé les sujets sur lesquels étaient expérimentées ces armes à des risques inconsidérés. »

Juste un jour comme un autre au bureau pour les armuriers du Pentagone. Et quand on sait combien la police de proximité aime "taser" les "suspects", imaginez le cirque quand la police anti-émeute sera lâchée sur des gauchos manifestant devant la bourse de New York !

Comme le fait remarquer Neil Davison, chercheur à l’Université de Bradford, les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN refusent toute disposition limitant la fabrication ou l’utilisation des armes non létales, malgré les risques qu’elles comportent pour leurs "cibles", à savoir des citoyens américains baptisés "émeutiers" ou "terroristes nationaux" .

« Pour les toutes récentes armes acoustiques et à énergie dirigée, cependant, ni leur réalisation ni leur prolifération ne sont limitées par un accord international qui aille au-delà de la conformité avec les lois humanitaires internationales en vigueur, ou du protocole de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC), qui interdit les armes à laser délibérément aveuglantes.

Les instances militaires tiennent absolument à empêcher que soient imposées d’autres restrictions sur le développement et l’utilisation d’armes "non létales", comme l’illustre un rapport récent de l’OTAN :

"Afin que les forces de l’OTAN puissent poursuivre leurs missions, il est important que les pays qui participent aux opérations de l’OTAN s’opposent à la mise en place de régimes légaux spécifiques visant à limiter inutilement l’utilisation des armes non létales. »

Dans une description édifiante (et glaçante) de la raison pour laquelle ces armes sont "nécessaires", le Joint Non-Lethal Weapons Directorate du Pentagone explique :

« L’ADS va servir à toute une série d’opérations qui nécessitent des méthodes non létales, comme la dispersion de foules, la sécurité aux checkpoints, la défense de zones interdites, la protection des ports, des périmètres de sécurité ou d’infrastructures, la ’clarification des intentions’ (distinguer les belligérants de ceux qui ne le sont pas). Les armes non létales qu’on trouve le plus couramment actuellement utilisent l’énergie cinétique, où la taille et la portée de la cible peuvent limiter ou modifier l’efficacité de l’arme. Le rayon d’action de l’ADS est dix fois supérieur à celui des autres armes non létales et aura le même effet sur toutes les cibles humaines, quels que soient leur taille leur sexe ou leur âge. »

Et pourtant, malgré ces risques, le "National Institute of Justice", après en avoir froidement pesé les "risques et les avantages", un calcul digne du Dr Mengele, demande, "pour les agents du maintien de l’ordre, une arme portative, probablement de la taille d’un fusil et à courte portée qui serait performante à des dizaines de mètres."

Alors que le capitalisme mondial entre dans une phase de désintégration nouvelle et éventuellement "terminale", les classes dirigeantes des Etats-Unis et leurs "partenaires" européens auront de plus en plus recours à des moyens de plus en plus répressifs (depuis la criminalisation de la contestation jusqu’à l’instauration de la loi martiale) si les pressions des "terroristes nationaux" "échappent à tout contrôle". Et l’utilisation généralisée de ces "armes non létales" dans les villes américaines jouerait, de toute évidence, un rôle primordial dans cette escalade de la répression.

Comme le dit Stephen Graham, géographe à l’Université de Durham :

« Ceux que les gouvernements nationaux et les médias serviles traitent de "terroristes" depuis le 11 septembre sont, entre autres, les militants anti-guerre, les chercheurs critiques, les militants anti-mondialisation, les opposants au commerce des armes, les défenseurs de l’environnement et de la liberté d’expression, et les partisans de l’indépendance des nations, comme l’Indonésie - liée aux Etats-Unis. Les protagonistes d’un éventail aussi varié d’opposition à la suprématie américaine transnationale sont ainsi bien trop facilement déshumanisés et diabolisés. Et surtout, ils finissent par être complètement délégitimés. Qui, en fin de compte, se prononcerait en faveur de "terroristes" et de leurs sympathisants ? »

Et il en va ainsi lors de cette interminable "Année Zéro" du gouvernement Bush. Le Silent Guardian ? Bientôt dans votre ville.

Lire l'article original en anglais: Curbing Social Protest in America: Microwave "Non-lethal" Weapons to be used for "Crowd Control" ,Just in Time for the Capitalist Meltdown: Army, Justice Department to Field 'Pain Ray', 14 octobre 2008.

Traduction : Des bassines et du zèle http://blog.emceebeulogue.fr/


Tom Burghardt est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca. Articles de Tom Burghardt publiés par Mondialisation.ca

2 commentaires:

  1. ça y est, les armes à rayons de la science fiction deviennent des réalités au service du NWO...les "Forces de l'Ordre" vont en être équipées, et bien entendu, les dérives auront lieu, comme elles ont lieu avec les Tazers.

    En effet, l'Ethique et la démocratie ne sont pas des préoccupations des dirigeants Politiques ni des forces chargées de maintenir l'Ordre: le Système actuel et ses Elites.

    Il s'agit sans doute d'une belle opération de manipulation médiatique, que de prétendre que ces "armes" sont non léthales et que les forces de l'ordre s'efforceraient de ne pas blesser les opposants.
    La désinformation consiste à vous faire croire que cela n'est pas "dangereux" ce qui rend leur acceptabilité plus grande. On nous avait fait le même "coup" avec le Tazer, généralisé dans tous les commissariats de France:
    On sait très bien qu'un flic armé d'un Tazer est capable de s'acharner à multiple reprises sur un pauvre type déjà au sol, désarmé et en convulsions. Les témoignages abondent à ce sujet.

    Qu'est-ce qui empêchera un flic derrière un canon sonique ou un canon à micro-ondes de "forcer la dose", histoire de se faire plaisir en voyant les cibles se tordre de douleur ? Certainement pas son éthique, inexistante, ni la hiérarchie policière, qui préfère l'ordre établi aux libertés individuelles.

    L'ami Pierrot

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  2. "les lois humanitaires internationales..."

    Elles ont quoi d'humanitaires, hein ? Je vous le demande !

    Tous les moyens sont bons pour le pouvoir et la domination.
    Ca me dégoûte !

    Merci de l'info, Paul.

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