23 janvier 2015

"Y’a pas de raison que les pauvres bouffent de la merde !"

Photo du film «Discount», qui évoque les invendus d'une grandes surface. - © Wild Bunch Distribution

«Y’a pas de raison que les pauvres bouffent de la merde!», gronde Corinne Masiero dans le film Discount sorti aujourd’hui sur grand écran. Dans cette comédie sociale, des salariés d’une grande surface, sur le point de se faire licencier, montent un magasin officieux avec les invendus à prix modiques. L’occasion de mettre les pieds dans le plat sur un sujet d’actualité : la destruction des invendus des grandes surfaces.

«Tout est bon pour sensibiliser le public à cette question», réagit Jean-Pierre Decool, député apparenté UMP. En juillet dernier, il a déposé une proposition de loi visant à obliger les grandes enseignes de plus de 1.000 m2 à donner leurs produits invendus… plutôt que de les jeter, voire de les détruire avec de l’eau de javel. Le député s'est inspiré d'une initiative lancée à Herstal en Belgique. Frédéric Daerden, l’équivalent du maire, a imposé aux supermarchés de la ville de donner leurs invendus aux associations d’aide alimentaire pour voir leurs permis d’environnement, délivrés par la ville, renouvelés. «Cela va dans le bon sens, commente Clara Bouteiller, chargée de mission prévention et gestion des déchets dans l’association France Nature Environnement. Mais la loi concerne des grandes surfaces qui avaient déjà des conventions avec des banques alimentaires. Et se pose le problème du contrôle: c’est aux villes de vérifier si les conventions existent, or elles n'ont ni les moyens humains ni financiers.»

«C’est une fausse bonne idée»

S’il semble scandaleux pour beaucoup de détruire de la nourriture, imposer une telle loi en France n’a rien d’évident. En effet, si les grandes surfaces se débarrassent de produits frais périmés dès le lendemain, l'association devra s'en débarrasser par elle-même. Or elle n’en a pas forcément les moyens. Au point que certaines associations alimentaires se montrent frileuses. «Nous ne sommes pas favorables à une obligation de don de la part des grandes surfaces, c’est une fausse bonne idée, critique Patrice Dallem, directeur de la Croix Rouge. Cela représente des coûts logistiques et humains difficilement abordables selon les territoires français.» Pour lui, inciter serait plus intelligent que contraindre. «On peut mettre en place un reçu fiscal dégressif en fonction de la date de péremption, de l’équilibre des repas, du tri organisé en amont. Si l’intention est louable, beaucoup d’associations, qui reposent sur des bénévoles, sont incapables d’absorber des tonnes d’invendus.» Et il reconnaît que le travail doit également se faire au niveau du monde associatif: «Les associations doivent harmoniser leurs pratiques.» Une coordination qui permettrait de mutualiser les moyens par exemple pour les camions réfrigérés et de répartir équitablement les dons entre petites et grandes organisations.

La question de la défiscalisation

Pour exporter cette initiative en France, il faut prendre en compte plusieurs spécificités. «Ce qui est compliqué, c’est de faire un état des lieux du gaspillage alimentaire des grandes surfaces qui communiquent peu sur la question, reprend Clara Bouteiller de France Nature Environnement. Pour vérifier que la mesure porte ses fruits.» On sait qu’environ 120 millions de repas sont offerts par les enseignes aux associations, difficile de chiffrer les tonnes d’invendus.

Autre particularité : en France, les enseignes qui donnent peuvent défiscaliser à hauteur de 60% du coût de revient. Une niche fiscale nécessaire, selon Jean-Pierre Decool. «J’ai rédigé en décembre 2014 une deuxième version de la proposition de loi avec un changement important: nous rendons cette défiscalisation pérenne à condition que les enseignes s’engagent à aider les associations pour la logistique.» Une proposition de loi qui sera examinée par l’Assemblée nationale le 5 février.

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