16 février 2015

Les Mystères d’Eleusis


De toute la hiérarchie d'initiations qu'on peut déceler, organisée en 7 étapes : Petits Mystères, Grands Mystères, Epoptie, et ensuite Holoclères, Sacerdoce, Initiation royale, Initiation suprême, on voit se dégager l'appétit de purification, l'ambition de se libérer des contraintes, des astreintes, de la matière, de la gangue de chair et de corps et l'aspiration, au-delà des passions, aux retrouvailles avec soi-même, libéré des chairs et des sangs, le goût d'appréhender le Monde et la Vie, la véritable Vie, qui serait celle de l'Esprit, curieusement tendu vers l'Un, l'Unité, par réunion de la Pensée et de l’Âme.

Le chemin vers cette vérité apparaît long et difficile, impose des guides (mystagogues), des recherches et des efforts … Il s'engouffre dans une descente sous terre, par l'Obscur, revient dans une ascension vers la Lumière, sur le chemin haut de la Vérité, avec l'espoir de parvenir dans la vie à la Connaissance …

Au travers du Mythe et de ses Mystères, on perçoit l'angoisse de l'éphémère et du sens de la vie individuelle qui conduit à la mort, avec la question lancinante du Sens … Pourquoi cette descente ? Cette incarnation de la Pensée et de l'Âme, dans la chair, la matière, la douleur, le quotidien ? Et quel destin après la mort ? Et déjà l'idée d'avoir à préparer le séjour dans l'Au-delà, en vivant la mort, avant de mourir, pour s'assurer du bonheur dans l'Autre monde …

Et qui, mieux que des morts, qui connaissent déjà le royaume d'Hadès, peuvent enseigner, initier le Chemin et le Destin … La Vie après la mort ? Qui. mieux que Coré, qui revient chaque printemps des mondes souterrains, pour dire aux hommes mortels ce qui s'y passe, ce qu'il faut faire … Et comment ?

Au moins, malgré le secret, sait-on que les mystères font mourir le myste font parcourir le chemin du mort qui se dépouille de sa parole, de sa fortune, de ses vêtements même, en allant nu, dans le gouffre étroit, obscur, un bandeau sur les yeux, reconnaître le parcours pour ressusciter en remontant vers la Lumière, en Haut … Aspiration à la Vie, guidé par ceux qui connaissent. Initiés holoclères, mieux que quiconque …

Au moins sait-on que le Mystère montre, révèle, annonce le Chemin et la Direction et rassérène, en ouvrant les voies du Bonheur, malgré la "faute folle" qui condamne les mortels à vieillir, à mourir, qui intègre la mort à la vie, faisant comprendre la mort comme la fin naturelle de !a vie, en laissant l'espérance de la Vie, au-delà de la Mort …

Des indices, des signes, des symboles sont donnés, lisibles, perceptibles par le Franc-maçon, qui croit les reconnaître pour avancer en pays familier, au point de retrouver ses sources de Tradition et ses moyens de connaissance, trouvant à relier ses propres pratiques rituelles à un fond antique universel, donnant sens à ses propres mystères modernes qui s'en trouvent éclairés …

Que la Vérité soit inséparable des moyens de sa recherche et qu'elle se tienne dans l'indicible, que son appréhension relève de l'Intuition et qu'elle passe par l'Emotion éclaire le processus des rites et la kyrielle des symboles !

Que la Vérité soit accessible parce qu'il y a des Lois compréhensibles par l'esprit de l'homme, même si cette appréhension est difficile, peut rasséréner l'Ame angoissée, puisqu'il est possible d'y parvenir, même si on ne sait pas parcourir tout le chemin jusqu'à la plus haute lumière : "Car jamais l'œil ne verrait le soleil s'il n'était semblable au soleil et l'Ame ne verrait pas le beau si elle n'était devenue belle". (Platon).

Du peu que l'on connaisse de ces Mystères, si bien gardés, si peu transgressés, de ces Mystères "qu'il est impossible de pénétrer", on sait quand même que l'initiation au troisième grade fait à l'Epopte la Révélation ultime par le symbole de l'Epi de blé moissonné en silence appelé "l'illuminateur parfait" et du Phallus dressé pour la génération.

Par ce chemin, l'Initié voyage de l'obscurité vers la Lumière sous le mystère de Sceau dépouillé de tout ce qui est corps et âme, réduit à la Monade qui n'a ni qualité physique, ni dimensions, ni liens dans l'espace "Unité parfaite, principe des choses matérielles choses matérielles et spirituelles" … Le voilà qui descend un long couloir obscur, en silence, les yeux bandés à la recherche de la lumière et de la raison qui gouverne le monde (logos), symbolisées par l'Arbre de Vie où l'on cueille un fruit, sous le mystère du Sceau, qui le conduit dans le chemin aidé par un mystagogue, il progresse vers la lumière lointaine, élevée.

Par cette ascension hors de la caverne il accède à la Vérité … Lumière éclatante, contemplation du dieu révélation du "dieu unique", "identique par essence à tous les dieux" … Révélation de l'Un, Unité dans la Lumière éclatante, au moment où l'on moissonne l'épi de blé, symbole du Phallos qui symbolise lui-même "autre chose" pour la Connaissance Intuitive … L'épi gorgé des lumières du soleil symbole de la vie semée dans l'homme à sa naissance. Le "phallos dressé pour la génération" gorgé de toutes les énergies de l'homme, rassemble la lumière de vie pour générer, perpétuer, renaître et exprimer l'essentiel de la vie, la vie essentielle.

Or, dans l'initiation, le hiérophante qui s'unit à la prêtresse de Déméter pour célébrer l'Union, est rendu infécond par la ciguë et l'accouplement se précipite dans le spirituel. Le Phallos pour symbole de la lumière semée dans l'homme qui naît, symbole de la raison humaine produit de l'union de la Pensée et de l'Âme.

(Source : Homère, Hymnes à Déméter - Paris, Les belles Lettres, 1997, pp. 42-58).
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