08 septembre 2015

Les dangers de l’élimination de l’argent liquide


A la naissance du système bancaire centralisé, l’objectif primaire du nouveau système était de s’accaparer de l’or du public. Ainsi, si une crise se présentait, le public serait dans l’incapacité de le récupérer.

L’or a été remplacé par des devises fiduciaires émises par la banque centrale, à son propre gré. Le public a de ce fait été dénué du pouvoir de faire s’effondrer une banque en retirant ce qui lui appartenait. L’objectif primaire, bien que tu, du système bancaire moderne, est d’en faire de même avec les devises fiduciaires.

Il y a bien évidemment d’autres raisons à cela. Les gouvernements insistent sur le fait qu’ils ont besoin de tracer toutes les transactions du secteur privé afin de s’assurer à ce que les criminels ne s’adonnent pas à des activités illégales en dehors du système bancaire, et que personne ne puisse échapper à l’impôt. Pour le gouvernement, savoir ce que fait chaque individu est une nécessité. Mais dans le sens monétaire, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale ne sont pas des soucis primaires. Les banques centrales sont parfaitement conscientes de la fragilité du système bancaire et de la possibilité de voir se développer une nouvelle crise à tout instant. C’est pourquoi elles cherchent à faire disparaître l’argent liquide.

Une ruée bancaire, pour le système bancaire dans son ensemble, ne représente plus une menace systémique. Mais la possibilité de voir les déposants faire la queue pour retirer de l’argent liquide d’une banque en laquelle ils ont perdu confiance est bel et bien réelle. Une ruée bancaire est également un spectacle public associé à un désordre monétaire des plus alarmants. Du point de vue d’un banquier central, il est préférable de n’autoriser que les retraits qui donnent lieu à un nouveau dépôt équivalent auprès d’une autre banque De cette manière, les ruées bancaires peuvent rester dissimulées au sein du système bancaire, avec ou sans l’intervention de la banque centrale, et les effets déflationnistes de l’accumulation d’argent liquide peuvent être évités.

C’est un principe assez bien compris de tous ceux qui s’intéressent aux affaires monétaires. Ce qui n’est pas suffisamment expliqué, c’est la manière dont une économie sans liquide se comporte dans l’éventualité d’une altération des préférences du public en termes de monnaie et de biens. Il existe normalement un équilibre, et une majorité des consommateurs ne se soucient pas de la valeur d’échange de leur monnaie. Mais un certain nombre de facteurs peuvent altérer cette opinion complaisante. Celle qui nous intéresse ici est la vitesse à laquelle la relation entre l’expansion de la monnaie et du crédit et le prix des biens et services est susceptible de changer.

Il n’existe pas de lien mécanique entre les deux, mais nous pouvons sensiblement dire que la demande supplémentaire représentée par une hausse de la masse monétaire fait grimper les prix - et est susceptible de transformer la préférence du public en termes de monnaie, ce qui ferait davantage grimper les prix. Quand le public réalise que les prix grimpent et continuent de grimper, les gens achètent ce dont ils ont besoin à l’avance, et se tournent vers les biens en défaveur de la monnaie.

C’est ce que recherchent les banquiers centraux qui cherchent aujourd’hui à stimuler la demande, parce qu’ils ont l’impression que ce processus peut être contrôlé. Une hausse de la quantité de monnaie en circulation est alimentée par des facteurs qui ne sont pas directement sous le contrôle des autorités monétaires. Les Etats-providence sont eux-mêmes insolvables et requièrent une émission de monnaie et de crédit peu cher afin d’équilibrer leurs bilans. Les banques commerciales ne peuvent fonctionner que si le pouvoir d’achat de la monnaie continue de baisser, parce que leurs consommateurs sont surendettés. A moins que l’expansion de la masse monétaire se poursuive à un rythme exponentiel, le système financier finira par s’effondrer. Les banques centrales doivent donc s’assurer à ce que la masse monétaire s’élargisse suffisamment pour éviter un échec systémique.

Si les politiques monétaires actuelles persistent, il ne sera qu’une question de temps avant que le public commence à comprendre ce qui arrive à la monnaie. La préférence du public se détournera de la monnaie et transformera radicalement les relations de prix. Si une hyperinflation des prix survient, ce qui serait la conséquence logique d’une telle situation, la rapidité à laquelle la monnaie s’effondrerait serait déterminée en grande partie par des facteurs physiques. Pour prendre l’exemple de l’hyperinflation allemande des années 1920, l’effondrement final peut être lié à une période de plus ou moins six mois, de mai à novembre 1923, qui correspond à l’échec des derniers efforts de contrôle de l’inflation monétaire.

Dans ce cas précis, le facteur contraignant a été le délai de compensation des paiements par le système bancaire. Quand les prix ont flambé, les chèques ont perdu une valeur significative au cours de la phase de compensation et d’encaissement, et l’économie s’est entièrement tournée vers l’argent liquide. Lorsque les prix ont commencé à grimper plus rapidement que de la nouvelle monnaie pouvait être imprimée, la limite à l’achat de bien est devenue la disponibilité d’argent physique.

Il est impossible d’isoler tous les facteurs impliqués, et le cours des évènements qui mènent à la destruction du pouvoir d’achat d’une devise est voué à varier d’un cas à l’autre. Aujourd’hui, la situation est très différence des hyperinflations européennes d’il y a 90 ans. Une société qui a recours à des transferts électroniques dépense ses dépôts bancaires instantanément. Le marchand, qui est sujet à la même panique en termes de valeur des paiements reçus, recherche lui aussi à se débarrasser de ses dépôts le plus vite possible. En d’autres termes, le transfert électronique de monnaie a le potentiel de faciliter un effondrement du pouvoir d’achat bien plus rapide que ceux que nous avons pu voir jusqu’à présent.

Un facteur de ralentissement évident est la vitesse à laquelle le public réalise que la monnaie du gouvernement n’a aucune valeur. Les gens ignorent pour beaucoup les réalités du monde monétaire, et une majorité d’entre eux n’ont pas d’autre alternative que de faire confiance en leur monnaie, puisque sans elle, ils en seraient réduits au troc. Pour ceux qui sont assez chanceux pour disposer d’une combinaison de capital et de devises étrangères, le problème était bien moindre par le passé. Mais avec l’interconnexion du système monétaire global, les devises fiduciaires d’aujourd’hui font toutes face au même problème. Les devises étrangères n’offrent plus aucun refuge.

Ces inquiétudes ont encouragé le développement de solutions alternatives, telles que notre système de paiement Bitgolg/GoldMoney, qui permet aux producteurs et aux consommateurs de réduire leur exposition au système bancaire et de continuer d’effectuer des transactions. Il existe également des devises alternatives telles que Bitcoin. Que ces devises alternatives aient un avenir monétaire n’est pas garanti, notamment parce qu’elles sont moins stables que les devises gouvernementales. Mais cette situation pourrait changer. Elles représentent un travail en cours qui aura le pouvoir de miner le monopole de l’Etat sur la monnaie, parce qu’elles existent en dehors des contrôles de capital des gouvernements imposés au travers des banques.

Ce qui fascine ceux qui comprennent les solutions anticipées du secteur privé est le potentiel de transformation de la monnaie utilisée aujourd’hui. Elles ont le potentiel de libérer le commerce du concept de politiques monétaires gouvernementales. Les solutions technologiques sont un autre facteur susceptible d’accélérer le rejet de la monnaie fiduciaire et du système bancaire par le public, puisqu’elles offrent une alternative aux devises dévaluées. Avec les efforts d’élimination de l’argent liquide et la capacité du secteur privé à mettre en place un système monétaire alternatif, l’effondrement de la monnaie gouvernementale pourrait être plus rapide qu’on ne le croit.

1.Von Mises, The Theory of Money and Credit, (Yale University Press 1953) page 254.

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