29 février 2016

Démantèlement de la « jungle » de Calais empêché par les "activistes" et les associations


Les opérations de démantèlement de la moitié sud de la « jungle » de Calais se sont déroulées ce lundi dans une ambiance très tendue. Des affrontements ont opposé un groupe composé de migrants et d’activistes aux CRS, chargés de sécuriser les démolitions. Au moins une dizaine d’abris ont été détruits par des incendies volontaires. Quatre personnes ont été interpellées et cinq CRS ont été blessés. Les opérations de démolition ont dû cesser aux alentours de 17 h. 
 


Dans la matinée, peu après l’arrivée des forces de l’ordre et des ouvriers de la société de démolition, quelques migrants et militants se sont postés sur les toits des cabanes, pour protester contre leur destructions. « Je refuse de quitter mon logement, explique un Iranien sur le pas de sa porte. Je vais fermer la porte à clé, et s’ils m’obligent à partir, je mettrai le feu ! »



En milieu d’après-midi, un incendie, dont l’origine est pour l’instant inconnue, a détruit deux abris et une caravane. Le feu a été maîtrisé par les CRS. Un face à face s’est installé entre un groupe de plus de 200 personnes, composé de migrants et d’associatifs, et les forces de l’ordre, qui ont établi un barrage pour permettre aux ouvriers de démolir les cabanes. Un cinquantaine de personnes ont alors formé brièvement un sit-in, pour protester contre ces démolitions.



Peu de temps après, un autre abri a été incendié, volontairement, par des migrants. Attisées par des rafales de vent, les flammes se sont propagées à d’autres cabanes attenantes. Alors que les CRS étaient en train d’éteindre le feu, qui a détruit une dizaine de cabanes, migrants et activistes, cachés entre les abris, leur ont lancé des projectiles, dont des pierres et des casseroles. Les CRS ont chargé à plusieurs reprises, avec canon à eau et gaz lacrymogènes, pour les éloigner des incendies et de la zone en train d’être démantelée, sur laquelle sont entrés en action des bulldozers.



Aux alentours de 17 h, un nouveau feu a été allumé dans un abri. Les flammes se sont propagées à une dizaine de cabanes. Une épaisse colonne de fumée noire s’est alors élevée au-dessus du camp, et des explosions, dues à la présence de bonbonnes de gaz dans les abris, ont été entendues.



Face à une situation extrêmement tendue, et les CRS ne pouvant plus intervenir sans recevoir des projectiles, les travaux de démolition des abris de la « jungle » ont été interrompus vers 17 h.



Selon le sécrétaire général de la préfecture du Pas-de-Calais, Étienne Desplanques, les forces de l’ordre ont procédé ce lundi à quatre interpellations : une militante dans la matinée, virulente à l’arrivée des forces de l’ordre, et deux autres dans l’après-midi, vues en train de jeter des pierres vers les CRS et de mettre le feu à une cabane. Un migrant a par ailleurs été interpellé pour des jets de projectiles. Par ailleurs, cinq CRS ont été contusionnés au cours des affrontements.



Les CRS ont quitté l’intérieur de la « jungle » un peu avant 18 h, sous les gestes provocants de migrants et d’activistes. La préfecture du Pas-de-Calais a par ailleurs indiqué qu’une surface de 5 000 m² avait été évacuée de ses cabanes ce lundi, et que les opérations de démolition reprendraient ce mardi, sans pour autant indiquer un horaire précis.

Démarrage des opérations à 8 h 30

Vêtus de parka orange, la vingtaine d’ouvriers arrivés ce lundi matin sur les lieux ont commencé, peu après 8 h 30, à démonter les cabanes de la moitié sud de la « jungle », côté route de Gravelines, juste derrière la bande des 100 m (mise en place lors du premier démantèlement, en janvier).



À coup de marteau, ils ont commencé à démolir les structures en bois et à arracher les bâches pour les jeter dans des bennes amenées pour l’occasion. Certaines seraient pourtant encore occupées, selon des représentations d’associations d’aide aux migrants. Ce qui irait à l’encontre du discours de la préfecture qui indiquait la semaine dernière que les abris seraient rasés une fois leurs occupants réorientés vers une structure d’accueil .



Un important dispositif de maintien de l’ordre a été dépêché sur place, pour encadrer ces premières opérations de démantèlement. Une trentaine de fourgons de CRS ont été stationnés route de Gravelines, et les accès à la « jungle » ont fait l’objet d’un filtrage.

La préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio, était sur place. Elle a justifié le déploiement des forces de l’ordre par « les agressions verbales et physiques dont ont fait l’objet les maraudeurs (chargés de convaincre les migrants de rejoindre le dispositif d’accueil*) en fin de semaine ». Certains d’entre eux auraient été « insultés, bousculés et leurs chasubles taguées ». Des actes que la préfète a imputé à « des activistes pour la plupart britanniques », qui auraient également « empêché des migrants de monter dans les bus (pour les centres d’accueil et d’orientation) alors qu’ils en avaient fait le choix ». Alors que les ouvriers commencçaient les destructions, les maraudes sociales se sont poursuivies, mais les agents de l’État étaient désormais accompagnés des forces de l’ordre.



La préfète du Pas-de-Calais a par ailleurs indiqué qu’un premier périmètre à démanteler avait été établi dans la moitié sud de la « jungle », sans pour autant en préciser les contours. Si les opérations ont débuté dans le calme, une vingtaine d’activistes sont rapidement regroupés à proximité, et ont été tenus à distance, derrière les boucliers des CRS.



L’association de soutien aux migrants Utopia 56 et L’Auberge des migrants ont tenu un point presse en fin de matinée devant l’école de la « jungle », installée à proximité de la zone en train d’être démantelée. « Les associations ont été interdites d’accéder au campement (la « jungle », ndlr) entre 7 h 30 et 10 h 30 pour ne pas pouvoir témoigner de ce qui se passe, a fulminé Magalie Bourgoin, de l’association Utopia 56. Les gens ont eu une heure pour sortir de leur cabane et se sont vus proposer de partir vers un centre d’accueil. ». Un procédé qui irait à l’encontre du discours de la préfecture qui indiquait la semaine dernière miser sur la persuasion et que les abris seraient rasés une fois leurs occupants réorientés vers une structure d’accueil. « Nous demandons que la décision de justice soit respectée ! », ont martèlé les associations. La décision de justice indiquait que seuls les lieux de vie (école, théâtre, centre d’aide juridique et lieux de culte) devaient être maintenus mais n’apportait toutefois aucune précision sur la méthode de démantèlement des abris.



Pour rappel, le tribunal administratif de Lille a validé en partie jeudi l’arrêté d’expulsion de la « jungle » pris par la préfecture du Pas-de-Calais, à l’exception des « lieux de vie » (école, théâtre, centre juridique…) qui devraient rester en place. Les associations de soutien aux migrants qui avaient saisi la justice administrative ont déposé un recours devant le Conseil d’État pour protester contre le démantèlement annoncé. Selon les services de l’État, près de 1 000 migrants se trouveraient encore dans la moitié sud de la « jungle ». Un chiffre contesté par les associations qui parlent davantage de 3 450 migrants encore sur place. Les associations s’inquiètent également du sort des mineurs isolés présents dans la « jungle ».



(*) L’État et les services de la préfecture cherchent à convaincre les migrants de rejoindre le centre d’accueil provisoire (CAP) , installé à Calais, dont les conteneurs ont une capacité d’accueil, à terme, de 1 500 places, ou un centre d’accueil et d’orientation (CAO) établi dans un autre département. Les migrants sont censé pouvoir trouver dans ces derniers un lieu de répit, et l’occasion de déposer une demande d’asile en France. 

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