21 juillet 2017

Macron et les "frères la truelle"


Omniprésents pendant la campagne, les “frères” ont joué un rôle décisif dans l’accession au pouvoir du président. Et comptent garder leur influence.

Rassembler ce qui est épars. C’est la devise que se sont choisie les membres du Cercle Camille- Desmoulins, qui rassemblent au sein d’une association fraternelle les francs-maçons, quelle que soit leur obédience, qui se reconnaissent dans les idées et l’action d’Emmanuel Macron. À ce jour, près de 500 y ont déjà adhéré. Parmi eux, 80 % sont par ailleurs membres d’En marche!. Mais pas question pour Jean-Laurent Turbet, membre de la Grande Loge de France et président fondateur de ce cercle, d’alimenter la machine aux fantasmes en prenant le risque de se réunir avant le congrès fondateur de La République en marche! qui se tient samedi porte de Versailles. « On nous accuserait de vouloir noyauter le parti, de vouloir truster des places. La prudence voudrait même que nous nous réunissions pour la première fois après les prochaines sénatoriales », glisse celui qui, après avoir été longtemps socialiste, se dit conquis par ce président jupitérien au point de se désigner désormais comme un « franc-macron ».

L'Europe, l'humanisme, le progressisme

Emmanuel Macron séduit les maçons. Son positionnement libéral, sa foi assumée en l’Europe, son projet humaniste, la philosophie progressiste dont il se réclame sont autant de bonnes raisons qui poussent aujourd’hui nombre de francs-maçons à se ranger derrière lui. Quand ils ne voient pas celui qui se définit comme le maître des horloges comme l’un des leurs. Certains vont jusqu’à imaginer que le chef de l’État a pu être initié. Dans une interview à la radio italienne Colors Radio, Gioele Magaldi, francmaçon italien au 30e degré, affirme même qu’Emmanuel Macron appartiendrait, comme François Hollande avant lui, à la Fraternité verte et à la superloge Atlantis Aletheia. La rumeur est, depuis, allégrement reprise sur tous les sites complotistes qui se plaisent à voir dans l’élection d’Emmanuel Macron une opération conduite par une petite élite mondialisée pour porter à la tête de la France l’un de ses disciples. N’a-t-il pas pour parrain Jacques Attali, qui l’a introduit dans le monde des puissants en faisant de ce jeune inspecteur des Finances le rapporteur général adjoint de la commission qui porte son nom ? N’est-il pas passé par les Young Leaders et n’a-t-il pas participé, lorsqu’il était ministre de l’Économie, au groupe Bilderberg ? Autant de raisons suffisantes pour beaucoup pour en faire un suppôt des Illuminati.

Emmanuel Macron donne lui-même du grain à moudre à tous ceux qui le disent sous influence de la maçonnerie. Son arrivée dans la cour du Louvre, au soir de sa victoire le 7 mai dernier, s’extirpant de la pénombre pour “marcher vers la lumière” au son de l’Hymne à la joie de Beethoven, fera dire au journaliste Serge Moati, longtemps membre d’une loge, qu’il s’agissait d’un « rite initiatique ». Un proche du président ne cache d’ailleurs pas que cette mise en scène a été créée à dessein. « Je n’imagine pas qu’un type qui vient d’être élu président de la République puisse ignorer le sens d’une cérémonie à laquelle il participe », confesse cet ami maçon d’Emmanuel Macron au lendemain de la victoire du candidat d’En Marche!. Emmanuel Macron semble prendre un malin plaisir à jouer des codes maçonniques. Quitte à semer le trouble et à flirter toujours plus avec l’ésotérisme. Pour sa photo officielle, dont il a soigné chaque détail, il n’a pas manqué d’y glisser certains symboles, insignifiants pour le plus grand monde, mais riches de sens pour qui a été initié. Ici, une horloge à double cadran. Là, un coq visible sur l’iPhone posé sur son bureau, comme nous le fait remarquer un frère du Grand Orient de France. Une manière de souligner, de la part de celui qui veut faire de la France une smart-nation, qu’il n’entend pas rompre avec les racines du pays autant qu’un clin d’oeil appuyé à l’attention de ceux qui sont entrés en maçonnerie et se souviennent que :

Dans le cabinet de réflexion, lorsque le profane lève les yeux, il voit ce coq, symbole solaire, qui lui annoncera la fin de sa nuit éternelle et le triomphe de la lumière sur les ténèbres.

Des expressions qui ne trompent pas

Pendant la campagne présidentielle, comme pour se concilier tous les publics, Emmanuel Macron n’hésitera pas à utiliser le langage propre à ceux qui ont revêtu le tablier. C’est ainsi que, convoquant une conférence de presse après avoir appris que Manuel Valls s’apprêtait à lui annoncer son soutien, le candidat d’En marche! rappelait que son mouvement n’avait pas vocation à ressembler à une auberge espagnole et prenait le soin d’ajouter : « Après, que toutes celles et ceux qui se retrouvent en leurs grades et qualités dans ce projet le rejoignent, c’est formidable. Ils sont simplement en train de démontrer que j’avais raison de ne pas subir les règles du système actuel. » “En leurs grades et qualités” est justement l’expression consacrée que les maçons emploient pour introduire leur discours en loge. Un hasard ? Comme voudrait nous le faire accroire un maçon en activité, nous expliquant que cette expression, aussi largement utilisée dans la préfectorale, aurait pu déteindre fortuitement sur Emmanuel Macron. Peut-être… Reste que, comme Jean-Luc Mélenchon, celui qui n’était pas encore candidat déclaré à la présidentielle n’a pas manqué de plancher le 21 juin 2016, dans le cadre d’une “tenue blanche fermée”, au siège du Grand Orient. Une manière de s’attacher la bienveillance des loges qui ne lui était pas forcément acquise alors que d’autres candidats putatifs, comme Benoît Hamon et Manuel Valls, disposaient déjà de puissants relais rue Cadet.

Les signes, nombreux, qu’Emmanuel Macron a pu adresser à la franc-maçonnerie, n’ont pas échappé à la nonciature. Mieux, selon nos informations, le Vatican aurait été alerté de l’influence maçonnique « effarante » de l’entourage d’Emmanuel Macron. Cela expliquerait en partie la réserve inattendue dont le dont le pape François a fait preuve pendant l’entre-deux-tours de la présidentielle.

Le pape François ne tranche pas

Alors que la plupart des commentateurs s’attendaient à ce que le souverain pontife prenne ses distances avec Marine Le Pen, comme il l’avait fait pendant la campagne américaine, marquant ses divergences avec Donald Trump (« Une personne qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétienne », avait-il dit à l’époque), au point de s’attirer le courroux du magnat de l’immobilier, le pape François, au contraire, s’est refusé à donner des conseils aux électeurs français, renvoyant dos à dos la présidente du Front national et le candidat d’En marche!. « Des deux candidats politiques, je ne connais pas l’histoire. Je sais que l’un représente la droite forte, mais l’autre, vraiment, je ne sais pas d’où il vient, alors je ne peux pas donner d’avis », a-t-il répondu le 29 avril, alors qu’un journaliste l’interrogeait dans son avion. Ni où il va…

Une fois élu, Emmanuel Macron, conscient qu’il lui faut, au plus vite, lever certains doutes nés de sa campagne, envisage même de solliciter une audience auprès du Saint-Père dans les premiers jours de son quinquennat. Une demande officieuse a été adressée auprès du pape. Mais le chef de l’État abandonnera cette idée après que Donald Trump a fait escale à Rome le 24 mai, lui brûlant la politesse et les lumières médiatiques qu’il escomptait.

Des soutiens trahis

Il est vrai que les francs-maçons ont été parmi les premiers à se mettre “en marche”. La liste, dit-on, est longue comme le bras. Gérard Collomb, sénateur et maire socialiste de Lyon, aujourd’hui ministre de l’Intérieur, François Patriat, désormais président du groupe LREM au Sénat, Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, ont tous joué un rôle important dans la campagne de Macron, membres du premier cercle de la fraternité d’Emmanuel aux côtés de Christophe Castaner. Tout comme Jean-Paul Delevoye et Richard Ferrand, à propos desquels beaucoup assurent qu’ils ont été initiés. De l’aveu d’un fin connaisseur de la Macronie, le chef de l’État dispose désormais de relais dans chaque obédience. Tous ces frères n’ont pas été pareillement récompensés de leur soutien. Alain Tourret, le député du Calvados, PRG rallié à LREM, qui a espéré hériter de la prestigieuse commission des finances à l’Assemblée nationale, a pâti de voir son nom figurer dans les MacronLeaks. Christian Bataille, député PS du Nord et président de la puissante fraternelle parlementaire, qui avait pourtant été parmi les premiers à parrainer la candidature d’Emmanuel Macron, n’a pas été réélu après qu’un candidat LREM lui eut été opposé. Ainsi vont les frères de Macron. Partout. À gauche, comme à droite. Parfois épars.

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