18 septembre 2017

Système en voie de dissolution accélérée


On peut prendre ce texte de Jake Novak, de CNBC.com du 15 septembre 2017, comme exemplaire à deux titres ; d’une part, et de façon tout à fait naturelle, par ce qu’il nous expose de l’effondrement accéléré sous forme d’une véritable dissolution du système politique à deux partis de Washington D.C. D’autre part, et ce n’est pas le moins important, ce texte est significatif du fait de la source de publication, un commentaire d’un journaliste (Novak) de la chaîne CNBC, qui fait partie du groupe NBC, notamment avec la chaîne TV la plus progressiste aux USA (MCNBC). Par ce positionnement, il s’agit d’une opinion venue d’une fraction nettement anti-Trump, proche du parti démocrate, et qui se situe dans cette bataille et par le jeu des positions relatives, plutôt sur une ligne antipopuliste conduisant à s’opposer, dans le champ de la communication, aux arguments pseudo-antiSystème de Trump s’affichant comme “venu faire le ménage à Washington D.C.”

(On sait ce que valent ces engagements d’images, d’étiquettes et de pure communication, que ce soit pour Trump ou pour la gauche progressistes-sociétales. Il n’empêche qu’ils structurent le discours et qu’ils constituent les références acceptées pour les démarches de communication : c’est par rapport à ces références, même si elles sont faussaires, qu’il faut lire le texte... Tout à Washington D.C., comme dans le bloc-BAO en général avec les spécificités de chacun, doit se lire en référence au Mensonge dominant et structurant. [C’est ce que PhG a désigné symboliquement comme “le simulacre 9/11”, symbole du Mensonge qui est la référence fondamentale de l’ère politique que nous vivons.])

La caractéristique de ce texte est donc d’abandonner l’habituelle dialectique partisane, antitrumpiste et antipopuliste, et favorable au parti démocrate considéré actuellement comme le représentant “le plus sérieux et le plus Politically Correct” [PC] du Système puisque complètement engagé dans son opposition “démocratique” (progressiste-sociétale) au président Trump. Le texte écarte ces oripeaux de communication du langage convenu (PC, langue de bois, etc.) pour jeter un regard objectif, c’est-à-dire “technique” et sans parti-pris, sur la scène politique de Washington D.C. après l’accord-surprise (ou l’accord-trahison [de ses engagements électoraux]) entre Trump et les démocrates sur le programme DACA.

Il le fait sans philosophie ni considérations intellectuelles mais simplement en professionnel de la vie politique à Washington D.C. Ainsi, une vue ni partisane, ni ambitieuse, par conséquent l’absence complète d’une démarche idéologisante ou à prétention philosophique mais les seules observations d’une appréciation professionnelle jetée sur le fonctionnement d’une machinerie politique, – c’est-à-dire d’une machinerie politicienne. Le résultat et la conclusion sont catastrophiques et offrent le diagnostic d’un système en voie de dissolution accélérée, une sorte d’implosion molle, sans trop de bruit pour ne pas trop interférer sur la communication qui doit impérativement restituer une image lisse, clean d’une certaine façon...

(Mais il paraît de plus en plus probable que les seules images conformes au Système ne suffiront plus à cacher le spectacle désolant et entraînant à la fois de cette dissolution accélérée.)

Ce que nous savons depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, de ses palinodies d’homme politique de télé-réalité, de ses “trahisons” des engagements de campagne, – trahisons qui n’en sont pas puisque les engagements n’étaient qu’artifices de télé-réalité, – c’est que la fonction présidentielle est fortement, et sans doute irrémédiablement dégradée. Trump est quasiment prisonnier d’un Deep State qui ne semble capable que d’actions défensives et sans aucune inspiration : l’empêcher d’aller trop loin dans ses coups d’éclat (“J’attaque la Corée du Nord !”) et d’incurver trop brutalement la politiqueSystème (“Mon instinct me poussait à me retirer d’Afghanistan”, mais il y envoie des troupes à l’insistance de McMaster). Tout cela, c’est boucher les voies d’eau du Titanic : le Deep State n’a en fait rien à proposer que la poursuite aveugle et stupide d’une politiqueSystème qui a montré toutes ses capacités catastrophiques.

(L’absurdité des situations issues des effets en cascade et souvent indirects ou tangentiels des situations crisiques fait que le principal instrument de la politiqueSystème, les superbes forces militaires US qui nous sont tant vantées, sont en train de se transformer en forces d’intervention interne [aux USA] pour venir en aide aux populations et protéger les infrastructures face aux catastrophes climatiques qui commencent à prendre une allure extrêmement structurelle et se succèdent à un rythme de plus en plus élevé. Voir The New Face of “War” at Home – Beyond Harvey et Irma, de Engelhardt-Klare.)

Pourtant, cet affaiblissement radical de la fonction présidentielle ne bénéficie nullement aux autres pouvoirs, et c’est là qu’on voit l’ampleur et la totalité de la crise. On a déjà pu observer que le Deep State n’en tire guère d’avantage. Ce qui apparaît de plus en plus, c’est que les deux partis, et notamment les démocrates, ne tirent de leur côté aucun avantage de l’affaiblissement de la Présidence comme il aurait été logique de l’attendre qu’il fasse par l’intermédiaire du Congrès.

Les républicains sont plus que jamais divisés dans leur attitude vis-à-vis de Trump, et aussi en tendances de plus en plus hostiles entre elles. Le président s’en passe et se tourne vers les démocrates, comme on l’a vu avec l’accord sur le programme DACA qui est une énorme pseudo-trahison de son pseudo-programme. A cette occasion qui pourrait paraître une victoire tactique pour eux, les démocrates ont surtout pu mesurer le vide stratégique qui caractérise leur situation aujourd’hui. Ils font “de la résistance”, favorisent le désordre et les folies des Antifa qu’ils ne peuvent contrôler, mais pour quel avantage ? Plus personne ne parle plus désormais d’une mise en accusation de Trump et les démocrates songent aux élections de 2020, en se demandant qui ils pourront opposer à Trump. Ils ne supportent plus Hillary, – plus personne ne supporte Hillary, ses fantasmes et ses geignements pour faire vendre son bouquin, – et derrière elle qui s’avère être elle-même du vide, il y a encore plus le vide.

Les démocrates songent très sérieusement à faire appel à une personnalités type-pipole, sans expérience politique, selon la voie ouverte par Trump. L’on parle donc, comme candidat démocrate, de Mark Zuckerberg, de Facebook, et du catcheur-acteur Dwayne Johnson, dit The Rock (1,98m et 125 kilos dit-on, un sourire éclatant et des épaules sans fin, un teint mitigé) ; et l’on parlera plus encore d’hypothèses de cette sorte, et l’on en verra à mesure, dans les trois années qui viennent... De plus en plus, le processus politique se dissout dans les conceptions les plus extravagantes, tandis que la politique générale hésite entre la paralysie, l’impuissance et le Rien tout simplement. 2020 sera un cirque, si l’on arrive en 2020 !

Ainsi découvre-t-on le président Trump, par ailleurs prisonnier du Deep State et faux-traître à ses non-engagements, particulièrement à son aise. « Pour l’instant, l’influence perdue des partis va permettre à Trump de développer sa politique sinueuse et impossible à définir. Il naviguera aisément entre la droite et la gauche selon ce qui l’arrange, avec bien plus de liberté qu’aucun président peut-être depuis un siècle. Les républicains et les démocrates en viendront à décider au cas par cas s’ils soutiennent ou non le président ou s’ils s’opposent à lui, ou quand ils n’ont rien à dire. Cela signifie que les dirigeants parlementaires deviendront de moins en moins importants... »

Trump s’en tirerait plutôt bien, maître du chaos à qui il a permis de s’installer mais qui, rappelle Novak, n’est nullement de son fait ; alors, plutôt libérateur du chaos que le Système tenait contraint depuis des décennies de gabegies et d’irresponsabilité : « La chose importante que l’on doit avoir à l’esprit, c’est que toute cette folie que nous voyons aujourd’hui à Washington n’est pas le résultat seulement de la personnalité de ce président ou d’un nouveau palier d’une colère qui parcourrait le pays. Un ordre ancien sauvegardé pendant des générations qui ont retenu le couvercle de la marmite où bouillonnait le chaos que nous venons de voir éclater ces derniers mois s’est effondré... »

Puisqu’il faut bien terminer sur une note réjouissante, Novak juge sans trop d’ironie sarcastique que cet effondrement n’est après tout pas une mauvaise chose car que peut-il y avoir de plus mauvais que “cet ordre ancien” qui a fait monter la dette jusqu’à $20.000 milliards, qui a suscité tant de guerres inutiles et coûteuses, et toujours en cours, qui a fait se développer un gouvernement pléthorique et de plus en plus impuissant à régler les problèmes qu’il suscite lui-même ? « Que vous le vouliez ou non, il faut voir les choses en face. Les partis démocrates et républicain tels que nous les connaissions sont finis et les politiciens, les gens qui les financent et les gens qui couvrent tout ce beau monde vont devoir s’adapter à la nouvelle situation. »

Quelle nouvelle situation ? « Uncharted waters », répond Novak, – terra incognita, si vous voulez... Une question qu’un Français pourrait poser à ce point est de savoir si les USA attendent leur Macron pour inaugurer cette terra incognita, ou s’ils sont au-delà de cette phase. Novak semble avoir déjà répondu lorsqu’il note que l’actuel chambardement qui achève de détruire l’“ordre ancien” n’a pas commencé avec Trump, qui est plutôt un finisseur de besogne : « Il est important d’avoir à l’esprit que tout cela n’a pas commencé avec le président Trump ou le sénateur Sanders. Barack Obama avait montré que la hiérarchie des partis et le contrôle du système étaient en grande crise lorsqu’il dépassa Hillary Clinton en 2008 pour emporter la nomination démocrate et les élections présidentielles en 2008, après seulement deux années passées au Sénat. » (On pourrait ajouter, pour renforcer la thèse, que le système de l’américanisme ne fut capable d’opposer à Obama qu’un John McCain d’une exceptionnelle médiocrité camouflée sous une sorte de folie guerrière.)

Dans ce cas, les USA ont déjà eu leur Macron, avec le résultat d’accoucher d’un Trump, transformant le désordre cool et contrôlé du président démocrate qui tenta plus ou moins de sauver le système de l’américanisme, en un désordre furieux et incontrôlable accouchant d’une paralysie impuissante. De ce point de vue, les USA sont en avance sur la France, et Trump bien au-delà de Macron... Tout cela fait penser que songer déjà à la situation de 2020 c’est aller un peu vite en besogne. Tant de choses sont possibles d'ici là...

Lorsque l’on considère les options envisagées pour ces prochaines présidentielles, on est conduit à observer qu’il n’est nullement assuré que les restes de l’“ordre ancien” qui restent aux commandes, – même si ces commandes ne fonctionnent plus, – soient sur la route de choix révolutionnaires et d’initiatives capables d’installer un “ordre nouveau” dont on attendrait tout de même, bien entendu, qu’il conservât et rénovât le système de l’américanisme. C’est l’habituel cercle vicieux auquel sont confrontées en ce moment toutes les directions politiques dans nombre de pays du bloc-BAO : comment sauver un Système qui se dissout littéralement, si possible en le liquidant parce que plus personne ne le supporte (voir Hillary Clinton) ; et tout de même en le conservant pour le faire renaître de ses cendres, brillant comme un sou neuf, à la satisfaction de tous ? Il faudra bien plus qu’un Macron pour réussir ce tour de passe-passe.

Ce qui nous conduit à considérer que nous ne sommes pas au bout de nos surprises à “D.C.-la-folle”, où Trump s’avère de plus en plus n’être qu’une étape d’un processus de dissolution qui, effectivement, vient de plus loin que lui et le dépasse évidemment. Par exemple mais exemple persistant, la grande campagne d’éradication du passé continue aux USA où l’on abat les statues, où l’on débaptise les collèges et les universités, où l’on se paye régulièrement une séquence de quelques nuits d’émeutes comme à St Louis ces derniers jours, selon un rythme et dans des buts que personne ne contrôle ni ne connaît. Il est difficile de penser que cette folie collective, inimaginable pour un esprit et un cœur patriotes dans son pays, ne laisserait pas des traces profondes ; il est facile, par contre, d’envisager que cette folie collective contribue fortement à la dissolution du système de l’américanisme à sa façon, en l’accélérant, en la détournant vers des voies de ruptures imprévues.

Finalement, l'accord sur le programme DACA, cette non-trahison des non-engagements de campagne, a constitué une étape importante. Il a institutionnalisé l’installation du président Trump dans sa fonction, disons par une sorte de reconnaissance implicite de sa légitimité par le parti démocrate qui prétendait représenter “la résistance” dont le but était de le faire chuter en niant cette légitimité. En même temps, elle a montré que le président Trump n’était pas le problème, que la lutte contre lui n’était qu’une des nombreuses ficelles cherchant à camoufler la dissolution du Système.

Il est possible que Trump ait ainsi sauvé sa présidence, en institutionnalisant le désordre auquel il préside et dans lequel les démocrates ont accepté de s’installer. Pour autant, la situation considérée d’un point de vue général s’est largement aggravée... Si Trump n’est pas le problème c’est alors que le système de l’américanisme est le véritable problème, et qu’il l’est parce qu’il est en cours de dissolution accélérée.

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