16 novembre 2017

Inondations en Grèce : «Nous sommes dévastés»


Alors que le bilan des inondations dans la région d'Athènes est monté à 16 morts jeudi, les habitants évoluaient dans la désolation.

«Nous sommes dévastés», se désolait jeudi le propriétaire d'une boutique de vêtements dans la rue principale de Mandra, l'une des trois localités grecques frappées par des inondations la veille qui ont fait seize morts, selon un nouveau bilan, et des dizaines de blessés. Parmi les victimes, beaucoup de personnes âgées. Le mort le plus jeune est un chauffeur de poids lourd âgé de 36 ans.

Grues, ambulances et véhicules des pompiers et de la police sillonnaient jeudi après-midi les routes boueuses de Mandra, où plus de cent pompiers tentaient d'évacuer l'eau des habitations, nettoyer et rétablir l'alimentation électrique, téléphonique et en eau, perturbée depuis mercredi.

Recherches pour retrouver les disparus

L'une des personnes portées disparues, selon le service des pompiers, a été retrouvée vivante jeudi en fin matinée, mais une autre, un homme de 50 ans, a été découverte mort quelques heures plus tard dans un sous-sol.

Les autorités poursuivaient leurs recherches pour retrouver quatre autres disparus. Un paquebot de 364 cabines a été affrété pour répondre aux besoins de certains des habitants dont le domicile a été endommagé, selon le ministère de la Marine marchande.

Trois mètres d'eau dans une maison

«Le niveau d'eau dans ma maison s'est élevé à trois mètres», a témoigné à la radio municipale d'Athènes, Sotiris Loukopoulos, dont la pharmacie était la seule qui opérait jeudi à Mandra. «Regardez, il ne reste rien, nous sommes effondrés», a déploré auprès de l'AFP Georgia Guini, propriétaire de l'une des cinq pharmacies endommagées.

Le niveau d'eau a considérablement baissé jeudi dans les rues et les maisons par rapport à mercredi, où des pluies diluviennes ont fait déferler des torrents de boue dans cette localité et celles avoisinantes de Nea Peramos et Megara, à 50 km à l'ouest d'Athènes. Des lances à eau en main, les propriétaires des magasins de Mandra tentaient de nettoyer la boue et les gravats à l'intérieur de leurs locaux.

«Il ne reste plus rien»

«Nous sommes ruinés. Mon auberge et ma maison n'existent plus», explique le propriétaire d'un petit restaurant à Mandra. «Il ne reste plus rien, il n'y a plus de route et l'eau est toujours là, il y a encore eu des inondations hier soir et ce matin.» «On attend de nouvelles pluies ce soir. C'est comme si Dieu nous haïssait», ajoute-t-il.

«On n'avait nulle part où dormir alors nous sommes montés sur le toit, avec des couvertures pour nous couvrir», raconte un habitant de Mandra dont la maison a été inondée. «Il n'y a plus rien et personne ne vient nous aider», se plaint sa mère. «Ce qui m'inquiète, c'est l'indifférence... Personne n'est venu nous voir pour nous dire 'Courage!'. C'est tout ce que nous demandions», déplore une autre rescapée.

«Intervention humaine»

Des dizaines de carcasses des voitures renversées s'accumulaient au coin des coins de rues, des équipes de nettoyage s'affairaient à ramasser débris et gravats. Régions agricoles dans le passé, Mandra, Nea Peramos et Megara, frappées par les inondations de mercredi, ont été transformés ces dernières années en une zone semi-industrielle.

«Notre problème actuellement est de faire face à deux torrents, dont l'un qui coule toujours avec des gravats dans le centre de Mandra, les opérations sont très difficiles», a indiqué à l'AFP un responsable de la Protection civile.

Médias et experts ont lié «la catastrophe naturelle» à la multiplication incontrôlée de constructions. La presse rend compte de la colère des victimes. «Un crime», titre en une le quotidien Ta Nea, alors que le journal de gauche Avgi met également en cause les constructions anarchiques dans des zones à risque, souvent sans aucun permis.

Traversée par des centaines de cours d'eaux dans le passé en raison de la présence de nombreux monts, l'Attique, agglomération d'Athènes, a subi une urbanisation tous azimuts à partir surtout des années 60.

Un géologue accuse

A Mandra et à Nea Peramos, il y avait cinq cours d'eau au total, couverts en grande partie actuellement pour des raisons d'aménagement du territoire, a rappelé le géologue Michalis Diakakis dans un entretien au quotidien Ethnos. «C'est l'intervention humaine qui est à l'origine du désastre (...) la plupart des ruisseaux sont quasiment fermés actuellement et sont incapables d'absorber le volume d'eau de tels orages».

Le dernier drame de ce type remonte à 1994, quand neuf personnes étaient mortes dans un quartier proche du front de mer athénien, faute à l'époque d'aménagement et d'entretien de la rivière Kifissos le traversant.

Trois jours de deuil national

Les drapeaux étaient en berne jeudi dans tous les bâtiments publics, après que le Premier ministre Alexis Tsipras eut déclaré «un deuil national» de trois jours pour les quinze victimes de «ces désastreuses inondations». «Nous vivons un grand désastre», a-t-il dit. La préfecture de l'Attique, dont dépendent les deux villes sinistrées, a annoncé son intention de faire appel au fonds de solidarité européen. L'état d'urgence a été décrété. Le parquet d'Athènes a par ailleurs ouvert une enquête préliminaire sur les circonstances des décès.

Quinze personnes ont été découvertes mortes mercredi tout au long de la journée au fil des opérations de secours, pour la plupart noyées, certaines piégées à leur domicile, comme deux octogénaires habitant des sous-sols.

Risque de répétition

L'environnementaliste Mihalis Petrakis a rappelé la déforestation des sommets entourant Athènes, au fil d'incendies estivaux, eux-mêmes souvent imputés à la spéculation immobilière sauvage. Il a souligné le risque de répétition de tels drames au vu des retombées météorologiques du réchauffement climatique.

(nxp/ats/afp)

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